Le portrait du regard

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Dans les arts visuels, le portrait a connu bien des évolutions de la peinture à la photographie, mais il reste un instant ressenti et fixé à un moment donné. La question est « qu’est ce qu’un bon portrait ? ».
Si j’avais à donner une définition je dirais : c’est le moment où le modèle et le photographe se rencontrent. Ce sont des moments éphémères, Henri Cartier Bresson l’appelait « l’instant décisif ». C’est la recherche de cet instant parfait, de cette fraction de seconde. Cet instant donne à un portrait sa force et sa signification.

On me demande parfois un portait simplifié. Ca n’existe pas.
Je photographie des artisans, des professions libérales, des artistes, des grands chefs d’entreprise du CAC 40, ils ont tous un point commun, ce sont des êtres humains. Chacun d’entre eux à ses humeurs, sa nostalgie, ses soucis, et le temps d’une prise de vue il me faut les transporter dans « mon monde ». Une fois devant l’objectif on est tous à égalité, on traite de l’humain.

Le portrait c’est un moment intime en tête à tête. Il y a d’abord ce que le modèle veut nous faire voir, mais le photographe doit aussi deviner ce qui se cache pour laisser tomber le masque. Lorsque j’organise une séance tout est minutieusement prêt en amont, les plans, la technique, juste pour me concentrer sur mon sujet. J’aime travailler en moins de trente minutes, je considère que c’est le temps maximum que peut me donner mon candidat. Je ne l’ai jamais vu parfois. Alors lorsque je lui serre la main, je n’ai que quelques instants pour cerner sa personnalité. Les premiers mots sont importants pour la mise en confiance. Je me documente avant pour connaître son parcours, ses hobbies. Je livre alors un point d’ancrage de son parcours et il se sent valorisé, l’échange peut commencer.

Tout n’est que psychologie à ce moment là. Il faut être le chef d’orchestre de cette séance quel que soit le candidat, ne jamais douter, ou en tout cas le faire croire. Je ne vais que me préoccuper du regard, des yeux, ça me parle. Les yeux reflètent les intentions. Alors c’est un round qui commence entre nous. J’aime faire bouger d’endroit au moins deux fois pendant la session pour donner de l’oxygène. Il y a des moments d’échanges, surtout au démarrage, ensuite j’aime aussi laisser des silences, juste regarder mon modèle, le laisser me regarder, qu’il se livre sans un mot, juste le bruit des déclenchements.
Je déclenche même si je sais que la photo ne sera pas bonne, pour ne pas laisser un silence d’obturateur s’installer, ou mon candidat se dit « ça ne va pas, il ne fait pas de photos ».

Dans ces moments, regard contre regard on ne peut pas se mentir, ce sont des fractions de secondes intenses où passent les élégances de l’âme.

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